vol de nuit

Malcolm de Chazal

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il faut toujours vivre en haut
d’une crête à l’autre le héron
échassier immobile comme mon
grand-père dans sa tombe
je l’imagine attendre
pour attraper au vol
les décennies qui passent sans lui

au rythme du vent oscille en corne de brume
parmi les eaux ma grand-mère roseau
sauvage et farouche
elle couvre sa tête de coton
perce ses proies de ses yeux aigue marine
butor elle vogue parmi les champs
petit voilier aux amarres en chanvre

tante moineau avait perdu une fille
de quatorze ans
courbée de tristesse je l’ai connue
avec un chignon au-dessus de sa robe de bure
son nid ne contenait plus
qu’un enfant au plumage hérissé
elle craignait toujours que je ne mange pas assez

du bout du monde les cris des oiseaux migrateurs
mes oncles d’Amérique en nage sur des photos
jaunies bécasseaux partis pour ne plus revenir
les ailes entravées par le prix du pétrole

la sterne arctique aux bec et palmes rouges
effectue chaque année le tour de la terre
championne des voyages organisés
la vieille voisine part au marché
le rouge à lèvres allumé
elle n’a jamais été plus loin que la ville

de quel vol sommes-nous tombés
gazouillant comme troglodytes mignons
à fouiller les arbres aux racines enfouies
le cyprès chauve aux racines aériennes
tend ses bras au chardonneret

il chassait les oiseaux
le mari de tante moineau
il se nourrissait de chair à plumes
élancé et ravi sur le pas de la porte
j’ai appris plus tard
qu’il avait passé tant de nuits
à pleurer sa fille
l’été séchait ses larmes
il souriait quand il me voyait
aveuglée par le soleil
entêtée à creuser la peau du ciel

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