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Ecrire comme on casse des pierres
au marteau-piqueur pour extirper
à la langue ce que la vie cache
sous l’écorce de terre
sortir de la gangue alphabétique
de quoi tenir encore un jour
parce que la délivrance viendra
au bout des mots
écrire comme celui qui cherche
la formule universelle
pour comprendre toutes les pensées
retourner l’intelligence
contre elle-même
l’anéantir pour lui faire cracher
le sens des aiguilles
pour lui faire admettre
qu’elle n’ira nulle part
hors de ce monde
écrire pour entériner la défaite
quotidienne
pour recommencer à échouer
écrire pour apprendre le saut de puce
dans l’univers
pour reproduire les couleurs
qu’on a cru voir
écrire pour tracer des lignes
parce qu’on a des mains
écrire le silence qui assourdissant
tombe du ciel comme la bruine
écrire parce que les pas s’ajoutent
aux pattes de chats dans l’herbe
aux miaulements inaudibles
écrire pour se confondre
avec les paragraphes
et finir par savoir ce que l’on pense
avant de replonger dans un fouillis
de vers de vase
à lutter contre la rouille des hameçons