
Il la voyait depuis quelque temps sortir en pleine matinée pour aller chercher le courrier. Avant, il ne la voyait jamais à cette heure. Elle pouvait avoir pris congé. Pas aussi longtemps tout de même. Les derniers jours, il s’était arrangé pour sortir en même temps qu’elle. Il descendait les trois marches menant au parvis bétonné sur lequel sa mère avait étalé d’énormes pots remplis de plantes, afin de masquer la laideur du revêtement de sol. Six pas ensuite jusqu’à la boîte aux lettres. L’espoir qu’elle le voie et qu’elle le salue. C’était arrivé deux fois. Une fois lorsqu’il se trouvait à tourner la clé de la boîte, la seconde juste en bas des marches. Il avait répondu avec un sourire appuyé et un hochement de tête. Si elle continuait à sortir ainsi en pleine matinée, il pourrait envisager de lui parler. Cette pensée fit s’accélérer sa respiration. Mais dans l’état où il était, qu’aurait-il pu lui dire ? En arrêt maladie pour six mois. De retour chez sa mère à quarante-quatre ans. Il rentra d’un pas traînant, prit la tasse de café que sa mère lui avait préparée avant de partir chez le coiffeur, et partit vers ce qui avait été le repaire de son défunt père. Il avait installé son ordinateur sur le grand bureau cossu en bois massif, abondamment ciselé. L’ordinateur jurait avec le meuble. Deux époques qui n’avaient rien à se dire. Lire la suite